D'abord on part d'une volonté politique, celle du gouvernement et du président de la République qui annoncent, aux assises de l'entrepreneuriat, une réforme profonde aidant à faire décoller le crowdfunding.
Après des mois de discussions les acteurs de l'"equity-crowdfunding" arrivent à se mettre d'accord sur des innovations importantes dans le domaine
Puis le texte sort :
Le projet de réforme avait pour objectif clairement énoncé de favoriser le développement de la finance participative. Le texte présenté lundi 30 septembre par Fleur Pellerin aux Assises de la Finance Participative aboutit au résultat exactement opposé.
Benoit Bazocchi de SmartAngels.fr explique son point de vue dans une tribune dans Cercle les Echos met le doigt sur deux incohérences :
Les plateformes de Crowdfunding, dont l'activité repose sur l'exploitation de sites internet, ne pourront plus présenter aux internautes des informations aussi essentielles que le nom des entreprises, celui des dirigeants, le ticket minimum, le montant recherché ou encore la durée de la levée de fonds. Fermer l’accès à ces informations conduira à paralyser toute activité sur les plateformes.
L'assouplissement des conditions pour permettre aux entrepreneurs de présenter un projet de levée de fonds à des investisseurs ne concernera que les Sociétés Anonymes (SA) dont la valorisation est comprise entre 100 000 € et 300 000 € à la recherche d’actionnaires majoritaires. Le non-sens est indescriptible. La quasi-totalité des besoins de financements des entreprises de croissance est aujourd’hui concentrée sur les Sociétés par Actions Simplifiées (SAS) pour des montants compris entre 300 000 € et 2 000 000 €. La proposition actuelle détruit tout espoir de favoriser enfin le financement des entreprises de croissance.
L'equipe de la ministre répond rapidement aux différents points :
Concernant les prises de participation en capital, l’accès aux informations des entreprises présentes sur les plateformes de crowdfunding ne sera évidemment pas fermé.
Toujours concernant les prises de participation en capital, la réforme crée les conditions de réussite du financement participatif en allégeant l'obligation d'information pour les sociétés anonymes (SA). La réforme ne concerne pas à ce stade les sociétés par actions simplifiées (SAS), qui n'ont pas de comptes certifiés. Mais un assouplissement supplémentaire pourrait être envisagé ; c'est précisément tout le sens de la consultation publique initiée par la Ministre.
Mais Benoit Bazzocchi de SmartAngels n'est toujours pas satisfait :
(i) Le libre accès aux informations sur les entreprises : Vous dites : "l’accès aux informations des entreprises présentes sur les plateformes de crowdfunding ne sera évidemment pas fermé." Annoncez-vous ici un premier arbitrage ministériel définitif sur ce point? Vous confirmez donc que la notion juridique de placement ne sera pas caractérisée par la présentation du nom des entreprises et des montants de financement recherchés, alors que le projet de texte actuel explicite clairement le contraire et précise même qu'il est interdit de "fournir aucun élément caractéristique permettant de trouver via une simple recherche sur internet l'identité de l'émetteur". Il s'agit d'un progrès considérable en à peine 12 heures.
(ii) L'allègement des contraintes des entreprises : vous affirmez que ce texte allègera l'obligation d'information pour les sociétés anonymes (SA). En réalité, vous savez bien que les exemptions actuelles pour les SA sont largement suffisantes (pas de prospectus visé par l'AMF pour les opérations minoritaires jusqu'à 5M€). Vous proposez simplement d'élargir cette exemption quand l'opération est majoritaire (avec une limite proposée de 300.000€). C'est parfaitement inutile: les plateformes de crowdfunding ne présentent évidemment aucune opération majoritaire, sans parler de l'absence de SA sur nos plateformes. Il est indispensable de traiter le cas des SAS si nous voulons financer des entreprises de croissance. Vous semblez confirmer que ce sujet fondamental sera traité dans les prochaines semaines. Le confirmez-vous ?
C'est finalement Thierry Merquiol de Wiseed qui vient confirmer les propos de Benoit Bazzocchi de SmartAngels
J'ai participé à toutes les réunions des assises de l'entrepreneuriat, aux réunions de place ainsi qu'aux réunions avec les régulateurs... L'esprit de madame la Ministre, l'esprit des participants représentants les plateformes d'equity crowdfunding ( donc dédiées au financement des PME) et des acteurs des entreprises ne se retrouvent en aucun cas dans le texte soumis à la consultation. L'Etat et ses représentants nous ont écouté mais pas entendu...
Pourquoi ce revirement si tragique pour les acteurs du crowdfunding destiné aux PME? Un coup des régulateurs pour renégocier ce qui me semblait déjà être acquis? Une action des lobby de tous bords (seuils, seules concernées les SA, doctrine très castratrice pour les nouveaux entrants que nous sommes,...)? Une totale incompréhension du fonctionnement des entreprises (oubli des holdings d'investissement dédiées,...).
Quoiqu'il en soit, WISEED, toujours ouverte, bienveillante et prête à discuter, ne s'associe pas a ce concert de louanges. Si l'action de Madame la ministre, sa volonté affichée et sa détermination est un grand soutien pour notre nouvelle industrie, sa déclinaison à travers de nombreux filtres vide la réforme de sa substantifique moelle.
Finalement comme explique un des commentateurs : "En France, on peut cramer son salaire au bistrot, acheter pour 4.000 euros de tickets de loterie en une fois, endetter son foyer pour acheter une voiture minable à 15K qui perd 30% de sa valeur le jour d'après, mais pas investir tranquillement dans une boîte dont les comptes ne seraient pas certifiés"
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